Des milliers de chiffonniers s’activent dès l’aube, quand la capitale égyptienne sommeille et que la cacophonie des klaxons ne se fait pas encore entendre. Ils collectent puis trient, vendent ou réemploient près de 8 000 tonnes de déchets chaque jour, soit près des deux-tiers de ceux recrachés par la plus grande métropole d’Afrique.
La route qui nous mène aux zâbbalins passe par la « Cité des Morts », l’immense cimetière du Caire. Aux abords de cette zone, à priori inhospitalière, notre fixeur vient nous chercher à l’entrée de la citadelle Salah-Ad-Din. À l’entrée du village des chiffonniers (« garbage village »), certains partagent un falafel sur les bancs d’une bicoque. D’autres fument le narguilé sur des chaises en plastique installées ici et là. Au café, on offre un thé ou un brin de causette. Le linge pendu couplé aux couleurs vives des balcons, auxquels les habitants portent le plus grand soin, contrastent avec la grisâtre des briques rongées par la poussière du désert. Pelleteuses, camions, touk-touk et scooters retournent sans cesse le sable et la terre. Ce petit monde se fraye bruyamment un chemin dans les rues étroites du quartier, tentant de rejoindre les entrepôts d’ordures. Les sacs de déchets empilés débordent des Chevrolet des collecteurs. Les klaxons couvrent le bruit des machines qui ronronnent au rez-de-chaussée des immeubles. Bien qu’ils soient absents des rues principales, l’odeur des porcs se fait sentir et se confond avec celui du plastique brûlé. Les déchets et leurs odeurs sont partout, comme les dattes sur les étals d’un marché.